top of page

Dominique Simonnot, chroniqueuse engagée 

Dominique Simonnot, journaliste au Canard Enchaîné, Photo : DR

A Libération ou au Canard Enchainé, Dominique Simonnot utilise sa plume mordante pour raconter la justice. Elle arpente les tribunaux pour couvrir les audiences, plus particulièrement les comparutions immédiates. Procédure qu'elle dénonce inlassablement.

Tout commence un soir de bouclage au journal Libération. Un trou énorme dans une page pour l'édition du lundi. Un vent de panique. Une petite voix : « Moi j'ai quelque chose si vous voulez ». Dominique Simonnot, installée sur la banquette rouge du café le Jean Nicot, dans le 1er arrondissement de Paris, se souvient de ses premiers pas en tant que chroniqueuse judiciaire. « Au départ c'était pour remplir un trou et finalement on l'a fait toutes les semaines, sous le nom des 'Carnets de justice' ».

 

La journaliste n'a pas atterri là par hasard. Famille de juristes, elle fait des études de droit. Mais elle ne sera pas avocate comme ses parents, « il y en a trop ». Après un stage au sein d'une chambre correctionnelle en préparant le concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature, elle ne se voit pas non plus magistrat. « J'ai décidé de devenir éducatrice pénitentiaire, c'était la période de mai 68, j'étais à fond, très peace and love », se souvient la journaliste, ses yeux clairs trahissant ses désillusions sur la justice.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dominique Simonnot travaille avec passion comme CPIP (conseiller pénitentiaire d'insertion et probation). Un jour, elle en a assez. Grâce à un ami journaliste, elle fait un stage à Libération. Elle y restera quinze ans. D'abord embauchée sur les sujets d'immigration, elle hérite de la chronique judiciaire et y restera jusqu'en 2006 quand elle quitte le journal.

Non aux réseaux sociaux

Elle part au moment où Edouard de Rotschild, devenu actionnaire principal, met Serge July à la porte. « C'était la première fois dans l'histoire du journal qu'un actionnaire vire un journaliste. Il y a eu une énorme bagarre, on est parti à plusieurs, on avait plus rien à faire ici », se rappelle la chroniqueuse avec amertume.

Pas de période de transition, elle est directement embauchée au Canard Enchaîné, pour lequel elle a déjà pigé avant. Toujours à la chronique judiciaire, elle rédige « Les coups de barre ». Dans un journal sans actionnaire et sans pub, elle peut écrire librement et sur le rythme hebdomadaire. « C'est une chance extraordinaire d'écrire dans un journal comme ça quand on voit le champ de ruines autour », explique-t-elle.

Une fois tous les quinze jours, elle s'installe au tribunal et prend frénétiquement des notes sur ses cahiers, « toujours à petits carreaux, petits formats et à spirale », explique-t-elle. Avant d'ajouter : « j'en ai des tonnes qui s'entassent mais je n'arrive pas à les jeter ». Pas question de live twitter. « Je déteste les réseaux sociaux. Facebook, jamais de la vie. J'ai un compte Twitter mais je ne suis pas active. Au Canard Enchainé, si je tweetais, ils me jetteraient », précise-t-elle en éclatant d'un grand rire qui dévoile ses dents de la chance.

«Je raconte ça chaque semaine, les gens vont

peut-être finir par se dire que ça ne va pas »

Son dada, les comparutions immédiates, procédure qu'elle trouve épouvantable. « C'est bâclé en vingt minutes, pas de place pour les témoins, les avocats sont souvent nuls, les magistrats épuisés, comment peut-on rendre une bonne justice dans ces conditions », s'indigne Dominique Simonnot.

Ce qui lui plaît dans la chronique c'est d'écrire et décrire. « Chaque fois c'est un petit roman, et il y a un côté très dramatique. Une unité de temps, de lieu, des longues robes pour les magistrats et les avocats. Des juges qui ne parlent absolument pas la même langue que le prévenu », explique-t-elle et se met à imiter un magistrat d'une voix monotone. Quand elle écrit, même si elle simplifie certains termes, elle reste très à cheval sur le vocabulaire. « A Libé avec une copine on avait écrit un bréviaire des termes à retenir. Dans un article, si je lis verdict au lieu de jugement, je referme le journal », confie-t-elle.

Les années Libération sont difficiles pour la vie privée, surtout pour quelqu'un d'aussi investie dans son travail , qui visite les tribunaux pour le plaisir quand elle part en vacances. Deux hommes entrent et sortent de sa vie l'un après l'autre. « Ils avaient tous les deux l'impression de passer après mon travail. Mais je ne vais pas m'excuser d'être passionnée ». Pareil pour les amis. « On décommande tout le temps les diners, souvent au dernier moment. C'est vrai que je préfère partir sur un sujet que rentrer », sourit-elle. Difficile mais pas inconciliable. Aujourd'hui elle a rencontré un homme qui comprend sa passion, ses absences et l'accepte très bien.

Dominique Simonnot écrit juste. Mais pas neutre. La neutralité en journalisme, elle n'y croit pas. « J'écris ce que voit le public. Si les choses se passent d'une manière horrible, je le relate. Je le raconte toutes les semaines, les gens vont peut-être finir par se dire que quelque chose ne va pas ». Sa chronique est un espace de dénonciation. Parfois, un président de séance plaisante : « La voilà, tous aux abris ». Elle s'en amuse. Certains magistrats trouvent ses compte-rendus horribles. Elle rétorque qu'il faut assumer. Elle n'écrit pas pour faire plaisir et rien n'empêchera la journaliste d'égratigner cette justice rendue « complètement par dessus la jambe. »

Dominique Simonnot parle des prisons et de son engagement lors d'un débat organisé par Champ Libre, © Youtube 
bottom of page